Agir et penser comment tout le monde n’est jamais une recommandation; ce n’est pas toujours une excuse. A chaque époque, il est des gens qui ne pensent pas comme tout le monde, c’est-à-dire qui ne pensent pas comme ceux qui ne pensent pas. Marguerite Yourcenar

jeudi 15 juillet 2010

Quentin Metsys (1466–1530)

L'incontournable Metsys (ou Massys)! Si Ghirlandaio fut le premier artiste auquel je m'initiai aux représentations de la vieillesse dans l'art, Metsys fut le deuxième. Né à Louvain autour 1465-66 et mort à Anvers en 1530 - soit à l'âge de 64 ou 65 ans - Metsys est l'un des artistes des plus importants de la renaissance flamande. Outre ses nombreuses Vierges, ses portraits et ses scènes, il peignit à plusieurs reprises la vieillesse. La Duchesse laide (1515) est sans contredit l'œuvre sur la vieillesse - ou œuvre tout court - la plus renommée de l'artiste. Outre la Duchesse et sa grande renommée, il y a d'autres œuvres de Metsys qui interpellent la représentation de la vieillesse. Ainsi, Le vieil homme (1513), La vieillarde tirant sur ses cheveux (1520) et Les amoureux (1525). Voyons de plus près ces trois tableaux avant de s'attarder, ou de s'attaquer, à La Duchesse laide.

Lorsque Metsys peint Le vieil homme il est presque quinquagénaire. L'œuvre propose un portrait réaliste d'un homme de profil. Rides au visage, menton et nez avalés et peau brunâtre et lâches… Voilà quelques signes qui ne trompent pas: c'est un vieil homme! L'identité de ce vieillard n'est pas donnée. Aucune piste à l'horizon d'ailleurs. Malgré l'anonymat, il reste que ce portrait constitue une représentation humaniste de la vieillesse, où le parcours d'une vie apparaît dans les traits du visage rempli de sagesse.

La vieillarde tirant sur ses cheveux n'est pas un portrait à proprement parlé, mais plutôt une représentation idéalisée de la vieillesse. En d'autres mots, ce n'est pas une personne qu'on regarde, mais la vieillesse. Et quelle vieillesse! Elle représente une étrange figure à travers laquelle on peut lire la sénescence, la décrépitude et, surtout, la folie. Ce genre de représentation renvoie aussi à l'ire et l'envie étant donné que ces émotions sont attribuées aux femmes durant le 16e siècle. On retrouve les signes communs de la vieillesse à travers la peinture: cheveux blanchâtres (et quelque peu jaunâtre), rides au visage, menton/nez avalés et, enfin, édenté. Metsys dans cette œuvre n'épargne rien, car ce n'est pas que la décrépitude du corps qui est représenté, mais aussi celle de l'esprit. En effet, cette action de tirer sur les cheveux donne un pressentiment de démence chez la vieille. Le regard semble divaguer, cette vieille regarde-t-elle celui qui la regarde ou se perd-elle en frénésie ou délire? On conviendra, Metsys a su partager une interprétation terrifiante de la vieillesse, ou la sénescence n'est pas seulement adressée au corps, mais aussi à l'esprit.

Les amoureux, ou le couple inégal, reprend un thème très classique: celui de la relation amoureuse entre la vieillesse et la jeunesse. Ce thème est propice à la dérision, à la raillerie et à la satire. On y dénonce l'absurdité de la relation amoureuse entre un homme âgé et une jeune femme. Trois figures composent la peinture: le vieillard, la jeune fille et le complice. Le vieillard se caractérise par ses cheveux blancs, sa bouche édentée, ses nez/menton avalés et sa peau brunâtre et sèche. Son action envers la jeune fille est assez subjectif pour en tirer quelques impressions. Son sourire porte un rictus de convoitise pour la chair et le plaisir. Ses mains accentuent cette impression. Sa main droite tient la tête de la jeune fille dans un mouvement de baiser. Sa main gauche, téméraire, empoigne le sein de la jeune fille. Bref, "he's in business!" comme dirait Shakespeare.

Mais, l'est-il vraiment? Tire-t-il la situation en sa faveur? Non. Les deux autres figures du tableau viennent renverser l'intention du vieillard en substituant son argent. La jeune fille et le complice ridiculisent l'emprise amoureuse du vieillard. Cette jeune fille à la peau blanche et fraîche n'accorde d'intérêt au vieil homme que pour son argent. Metsys montre ainsi que la vieillesse, lorsqu'elle tombe dans l'ébullition de l'amour, n'est l'œuvre que de la naïveté et de la stupidité. Plus fondamentalement, les attraits sexuels de la femme mènent l'homme à la bêtise! Un détail reste à interpréter dans cette œuvre: le jeu de cartes et les pièces de monnaie. Tout comme la scène qui se déroule sous nos yeux, où le vieillard perd sa bourse et la jeune fille gagne subtilement le pécule, jouer aux cartes oblige à des gains ou à des pertes.

Là s'arrête Metsys pour aujourd'hui. Je dois peaufiner l'énigmatique Duchesse laide, car plus j'apprends sur cette peinture, plus j'ai à vous partager des informations. En fait, la Duchesse vaut la peine de prendre son temps.

6 commentaires:

  1. Où est conservé le tableau de la vieillarde tirant sur ses cheveux ? Merci de l'info
    Jean-Marie

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  2. J'aimerai avoir les références précises du tableau de la vieillarde tirant sur ces cheveux

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  3. Réponse à Jean-Marie (6 ans plus tard !) : au Prado.
    Note à l'auteur : On écrit "à proprement parler". A part ça, bon article. Sympa, merci.
    Pierre

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